Accueil > Actualité

Le Bureau de l'Institut archéologique liégeois a été endeuillé par la perte d'un de ses membres les plus anciens, Monsieur Richard Forgeur, Licencié en Histoire, Lauréat du Concours universitaire, Archiviste honoraire de l'État, Conservateur honoraire des Manuscrits à la Bibliothèque Générale de l'Université de Liège, Membre effectif honoraire de la Commission royale des Monuments et Sites, né à Liège le 1er avril 1927 et y décédé le 8 août 2012.

Au nom des institutions scientifiques et des sociétés savantes, Albert Lemeunier, Président de la Fondation Liège Patrimoine, a prononcé lors des absoutes l'éloge que nous reproduisons ci-après.


« Richard,

Il serait vain de vouloir retracer ici en quelques minutes, et fût-ce en grands traits, une existence matérielle dont ton avis nécrologique nous a rappelé déjà l’essentiel.
     Ce que nous voulons te dire, c’est que depuis la nuit de mardi à mercredi, nous nous sentons immensément orphelins. Orphelins d’un père qui fut pour tous ceux qui l’ont côtoyé, une référence, une source. Orphelins d’un sage qui s’est, dès sa jeunesse, engagé dans les voies de la connaissance du patrimoine et de son histoire, et qui eut à cœur de connaître, autant que de faire connaître. Orphelins d’un guide vers les voies de la vérité et de la justice, deux idéaux qui t’ont animé, Richard, à travers les valeurs qui ont inspiré ta vie et ton œuvre d’historien.

L’énumération des institutions au service desquelles tu fus engagé est en elle-même représentative de tes hautes qualités scientifiques, celles qui à chaque occasion te conduisirent à la recherche des vérités historiques : Institut royal du Patrimoine artistique, Archives de l’Etat, Commission royale des Monuments et Sites, Université de Liège. Tu y fus à la fois un praticien et un guide : beaucoup d’entre nous, par exemple, nous souviendrons toujours de ce que tu as apporté comme aide aux jeunes étudiants que nous étions et qui, à travers la porte ouverte de ton bureau, pouvaient toujours avec profit interroger celui qui, aujourd’hui, n’aurait d’égal que Google, et encore ! C’est à toi aussi que l’Université, où ton rôle aurait pu être celui d’un chargé d’enseignement, dut d’être dotée d’une salle de lecture où depuis se trouvent notamment en accès libre tous les ouvrages fondamentaux des sciences historiques.

Ce qui fit ta vie, on le voit ici, fut essentiellement d’avoir mis tes connaissances, portées par une mémoire exceptionnelle, non seulement au service de tes propres travaux scientifiques, mais aussi à la disposition des chercheurs et particulièrement ceux de très nombreuses sociétés savantes où ton rôle fut celui de conseiller, de sage, d’érudit, rarement pris en défaut de connaissance. Nous citerons ici les Bibliophiles liégeois, l’Institut archéologique liégeois, la Société royale Le Vieux-Liège, la Société d’Art et d’Histoire du Diocèse, la Commission communale des Orgues, l’Académie royale d’Archéologie, le Musée d’Art religieux et d’Art mosan et son association d’Amis. Nombre de leurs membres figuraient dans le cercle de tes proches.

Quant à tes travaux, on ne peut que regretter tous ceux dont tu n’auras pas livré le résultat, mais aussi se réjouir des nombreuses contributions fondamentales que tu as publiées, et qui touchent tant à l’histoire qu’à l’archéologie ou à l’histoire de l’art de nos provinces. Retenons, pour n’en citer que quelques unes, les publications relatives aux collégiales de l’ancien diocèse de Liège, à l’ancienne cathédrale Saint-Lambert, aux écrits de Xavier van den Steen sur le même sujet (et dont tu avais si justement démonté les supercheries), aux portraits et à l’héraldique des ecclésiastiques d’ancien régime… On accordera dans ce domaine une attention spéciale aux nombreux livrets-guides du Vieux-Liège consacrés aux églises liégeoises et dont tu fus l’auteur, et particulièrement à celui de l’abbatiale de Saint-Jacques, ton église paroissiale où tu as souhaité que se tienne cet adieu.

Tes valeurs morales, tu les avais placées aussi dans la justice. Tu t’étais familiarisé, à travers notamment tes amis proches, avec l’institution judiciaire dont tu te plaisais à commenter le fonctionnement. Mais tu avais aussi dans ton fors intérieur quelque chose qui, autant que la critique historique mise au service de la Vérité, te portait  à reconnaître en LA Justice l’une des principales valeurs qui doivent régir le fonctionnement de la société.

Enfin, que dire de ta curiosité, qui te faisait t’intéresser, et approfondir tes connaissances jusque dans le détail  dans tous les domaines que les circonstances de la vie, même les plus insignifiantes en apparences, te permettaient de rencontrer : l’œnologie était certainement celui où tu excellais.

Au revoir Richard, au revoir l’ami au long manteau brun, au petit chapeau vert, aux yeux bleus, au sourire accueillant, à l’humeur égale. Pour longtemps ta silhouette de père tranquille restera dans nos cœurs. Et que ton amitié continue de nous rassembler. »

– Albert Lemeunier, au nom de tes amis.